Israël a-t-il toujours une vision ?
Yaïr Biran • 22 novembre 2012
Intervention de Yaïr Biran
Yaïr Biran est adhérent depuis de nombreuses années à LdJ. Vivant actuellement en Israël, il maintient des liens constants avec notre Association en tant que correspondant. Il nous a fait parvenir sa vision d'Israël que nous vous proposons de lire.
Le 21 novembre 2012, le club francophone Actualia, créé et animé par Roger Goldstein, a tenu à Tel-Aviv une table ronde sur le thème "L'Etat d'Israël a-t-il encore une vision ?". Y participaient l'ancien ambassadeur d'Israël en France et à l'ONU, Yehouda Lancry, Me Léon Rozenbaum, du Likoud francophone, et Yaïr Biran, traducteur, poète et conférencier. Vous trouverez ci-après l'intervention de Yaïr Biran, qui a ouvert cette soirée.
Commençons par le mot vision, proposé par Roger Goldstein : c'est la traduction habituelle de l'hébreu hazon (חזון), dérivé de la racine haza, ָח ָזה , qui veut dire à la fois voir, regarder, contempler, prévoir – large éventail de significations (חזה = poitrine, devant). Il faudrait plutôt dire "conception du monde" ou "vision d'avenir", puisque la vision est généralement la vue, en français courant. Dans le langage sociopolitique actuel, on parlerait plutôt de projet.
En réalité, Israël a été le fruit du "projet sioniste" – à l'intérieur duquel se chamaillaient et se combattaient plusieurs "visions" différentes, parfois adverses : la projet d'Herzl – à la fois libéral, politique et non-clérical ; le projet sioniste-socialiste – collectiviste, solidariste, généralement marxisant avec des nuances ; le projet sioniste-religieux – fidèle aux traditions religieuses mais sioniste activiste et partiellement collectiviste ; le projet dit "révisionniste" (Jabotinsky), à la fois socialement libéral, petit-bourgeois peut-être, très activiste, porté sur l'incontournable recours à la force vis-à-vis des Arabes – qui refuseront certainement la création d'un Etat Juif – et politiquement intransigeant.
En résumé, le projet sioniste a été fédérateur, vis-à-vis de l'extérieur surtout, il a constitué un ciment plus fort que les divisions et que certains affrontements internes parfois très violents. Les buts étaient simples : repeupler le pays ancestral, y construire une société juive forte et prospère et arracher aux Nations la proclamation d'un Etat Juif. Cela s'est produit un demi-siècle après le lancement de ce projet par B.Z. Herzl !
A l'extérieur et en marge du camp sioniste ont fonctionné, aux deux extrêmes, le projet religieux-orthodoxe, rigidement traditionnaliste et antisioniste ; et le projet communiste, lui aussi a-sioniste ou plutôt antisioniste (sauf pendant un court moment en 1947-48). Et ceci, même en Eretz Israël.
C'est dans ce contexte de pluralisme que furent créés en 1920 l'Assemblée des élus (Asseifat Hanivharim), désignée par la population juive de la Palestine, et le "Conseil National" (Vaad Léoumi), qui en était le bras exécutif : ces deux organismes furent reconnus officiellement en 1928 par la puissance britannique mandataire. Ils fonctionnaient évidement dans les limites imposées par les autorités britanniques. En mai 1948, après la proclamation de l'Etat, fut institué le Conseil provisoire du peuple, qui exerça immédiatement le Pouvoir Exécutif, et la 1ère Knesset fut élue en janvier 1949 comme assemblée d'abord constituante, puis législative. Par la faute de la la grande multiplicité des partis, reçue en héritage, la Knesset échoua en effet à voter une Constitution, principalement à cause du veto insurmontable des partis religieux !
Que peut-on dire de la situation actuelle ? Il y a six millions de Juifs en Israël, avec une économie florissante, des sciences déjà glorieuses, une vie culturelle foisonnante – c'est un succès incroyable en 120 ans de Sionisme. Mais les divisions internes subsistent d'une manière ou d'une autre. L'idéologie du creuset (melting pot) qui dominait dans les premières décennies de l'Etat, censée mener vers une fusion assez poussée entre Juifs venus de pays, d'horizons et de pratiques culturelles divergentes, sinon contradictoires, il ne reste à peu près rien. Remarquez le rapport lexical en français entre vision et division... Le projet israélien est beaucoup plus brumeux aujourd'hui que par le passé, l'Etat, qui avait été un objectif suprême à l'origine, est là. Mais le débat sur la nature des trois Pouvoirs, leurs missions et les équilibres entre eux, fait encore rage. Les caractéristiques collectivistes prédominantes au début ont perdu énormément de terrain, remplacées par un individualisme très puissant et prégnant – même s'il restait sous-jacent auparavant. Cependant, la tradition juive biblique nous dit "Faute d'une vision (prophétique) le peuple sèmera le désordre" (Proverbes, 29, 18). C'est clair : l'absence de vision est une chose grave pour le peuple juif.
Malgré tout, si l'on veut faire le point de la situation, on pourrait dire que le leitmotiv, le mot d'ordre actuel des Israéliens serait plutôt "Vivre et laisser vivre". Traduction exacte de l'expression biblique Que chacun vive sous sa vigne et sous son figuier. Ce qui signifie en clair que les Israéliens veulent avoir LA PAIX. Sauf que chacun sait qu'il faut être deux – sinon trois (un patron ou un ami commun aux deux parties) – pour conclure une paix !
Yaïr Biran
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