Les lecteurs nous écrivent

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Le sang

Le sang. Répondre. Serions-nous au pied des autels d’or et d’airain du temple ? Pour que l’âme retourne il faut que le sang soit versé ; qu’il pénètre la terre.

Aux sacrifices du temple s’est substituée la prière. L’offrande de l’âme ne passe plus par le sang versé des bêtes et l’odeur de leur graisse offerte en holocaustes. C’est l’âme elle-même qui se donne par l’affirmation de son élection.

Dès lors, la violence aveugle qui maintient sa route et persiste, cette violence n’est-elle pas plutôt celle de la faible force d’élection que de l’élection même comme les appels au meurtre sacré le prétendent ?

Si Dieu se transmet par le Verbe., s’il se publie par la pierre, l’airain, le parchemin ; s’il multiplie son écho par le papier qui s’emporte, c’est qu’il se projette en chaque mot un peu plus. Les exégètes et docteurs ne s’y trompent pas qui, par l’étirement du verbe, œuvrent à rendre la présence du divin plus forte en chaque homme de bonne volonté.

Limiter le Verbe à un borborygme, c’est œuvrer au contraire.
C’est se rappeler que le papier brûle, la pierre se brise.
Nous n’avons affaire qu’à un maquillage. Le bruit et le sang détournent autant qu’ils focalisent. Lieu commun presque immuable depuis les jeux du cirque jusqu’aux clichés crus de la presse à scandale ou du net.

Nous juifs, qui portons le doute séculaire et l’expérience que l’absence de doute appartient à ce qui n’est pas ; à ce qui est par-delà l’essence ; nous savons que la survie, à l’échelle d’un peuple, réside dans le Verbe qui engendre et qui persévère.

D’où l’inconfort du doute qui tait la chaleur du sentiment pour laisser une place de choix à la raison qui projette.

Dans le sang, rien n’a projeter, à établir.
L’aveu d’un monde trop grand pour soi que la faiblesse pousse à rétrécir à sa mesure. C’est ce solipsisme et son minuscule qui tuent. L’excuse de Dieu n’est que la confirmation que le lit de Procuste de la bêtise possède des dimensions fort minces. L’excuse de Dieu n’est là que pour masquer la propre douleur de l’ignorant à habiter le monde, à y comprendre sa place et à apprendre à l’aimer.
Lorsque le monde se réduit à une cible et à un suicide déguisé en mort sainte, seuls sont dupes ceux qui n’ont pu se libérer de la peur d’un monde vaste. Seuls sont dupes ceux qui tuent au nom d’un livre qu’ils n’ont jamais ouvert parce qu’il seraient incapable de le déchiffrer ; parce que le livre est un espace déjà bien trop vaste qui rappelle constamment à l’homme qu’il est une part du tout et que son intuition du tout est ce qui doit l’élever à refuser le solipsisme de la vie immédiate sans discernement.

Elie Lobermann

Le livre est le prolongement des générations que la chair ne peut atteindre. Lorsque le livre devient le point de rupture et l’instrument du sang, il s’agit de redonner richesse au Verbe (logos) plus que de s’inquiéter de la prochaine cible. Le Verbe (logos) est le monde que nous pouvons déployer. L’entendue et la puissance de mes concepts est le monde qu’il m’est donné d’entrevoir et celui avec lequel j’interagis. Lorsqu’au nom d’un livre non lu, le sang devient la seule voie, c’est que le monde s’est rétréci au point qu’il n’est plus possible de penser le contact du monde que comme une attaque ad hominem de tous les instants. Dès lors, le salut ne peut être de ce monde. D’où la fuite qui préserve de l’humour. D’où le sang sacrificiel qui préserve de nourrir en soi le Verbe qui rend homme.

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